Mal au dos, mal dans sa tête ? Derrière un lieu commun a priori simpliste, se cache pourtant une large part de vérité. Au-delà des causes physiologiques, notre mal de dos serait aussi un signal d’alarme, que nous aurions tout intérêt à écouter pour en apprendre davantage sur nous-même et sur notre rapport aux autres. La coach et psychothérapeute Delphine Debronde nous aide à décrypter cet autre langage du corps.
« J’ai tout le temps mal au dos, mais avec le stress que j’endure au travail, c’est normal ! », « Ton mal au dos ? Ne cherche pas, c’est les soucis ! » Nous sommes nombreux à avoir expérimenter ce drôle de lien qui existe entre notre tête et notre dos. Si bien qu’il est devenu courant de voir dans les tourments de notre esprit l’origine de nos tensions dorsales et autres lombalgies. A tort ? « Non, on sait depuis longtemps que l’on peut associer certains troubles ou effets d’humeur - des troubles dépressifs notamment - au risque de chronicité de la lombalgie, précise Delphine Debronde. Pourtant, il n’existe pas de connexion directe entre la tête et le dos qui pourrait permettre de décrypter l’origine de ce mal. Tout dépend des personnes, des situations. »
Ce lien est en réalité plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Un exemple : une personne traversant un épisode dépressif supportera moins bien la douleur qu’une autre. Et de la même manière, une douleur installée depuis longtemps peut miner sur le long terme le bien-être et le moral de celui qui souffre. « En consultation, on voit bien que le lien entre dos et esprit n’est pas univoque, qu’il s’agit plutôt de croisements, poursuit la thérapeute. Cela nous montre toutefois une chose : le plus grand risque dans la prise en charge du mal de dos, est de dissocier corps et psyché. Car ils sont toujours en interaction. »
Un signal d’alarme
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Que le symptôme soit physique – une douleur - ou psychique – comme l’anxiété, par exemple – notre mal de dos serait ainsi, pour Delphine Debronde, un messager précieux : « C’est un signal d’alarme qui nous signifie que là, nous avons dépassé nos limites ». Naissance d’un enfant, déménagement, perte d’un être cher ou promotion professionnelle… Comme la douleur se manifeste souvent à l’occasion de grands tournants de vie, il est tentant de la mettre directement sur le compte de ces bouleversements « qui ont du mal à passer ». Mais la source du malaise mérite souvent d’être recherchée un peu plus loin. « Le lien corps-esprit n’est pas toujours apparent, précise ainsi la thérapeute. La plupart du temps, d’ailleurs, le mal de dos apparaît après une longue symptomatologie qui évoluait à bas bruit. On commence à ressentir des tensions dans le bas du dos quand on est stressé, et on finit un matin par ne simplement plus pouvoir se lever de son lit. L’événement en lui-même se contente bien souvent de rendre le mal de dos plus lisible ».
Un autre langage
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Pour la psychothérapeute, notre mal de dos serait donc, au-delà du signal, un autre niveau langage que nous aurions tout intérêt à décrypter. « C’est un langage corporel. Parfois lorsqu’on est pris dans nos émotions, dans nos difficultés à vivre, on n’est pas toujours capable d’analyser ce qui nous arrive et ce que l’on ressent. On se retrouve sous tensions, sans trop comprendre. C’est là, souvent, que le mal de dos peut apparaître. Car c’est parfois le seul moyen que l’on a trouvé inconsciemment pour exprimer une souffrance ou un mal de vivre, quel qu’il soit. »
Voilà pourquoi nous aurions intérêt, dès l’apparition du mal de dos, à prendre le temps d’écouter cette douleur. De se demander ce qui nous pèse, ce qui nous tend, ce qui a pu nous arriver dans un passé récent, pour tenter d’établir un lien avec la douleur. Accompagné(e) d’un thérapeute, nous pourrions ainsi explorer ce que notre dos a à nous apprendre sur nous-même. Des choses, bien souvent, que nous ignorons. Ou que nous ne sommes pas prêts à voir.
Se reconnecter à soi, parler à l’autre
« Etymologiquement, être malade signifie être mal orienté, se tromper de route, rappelle ainsi Delphine Debronde. Quand on est malade, on a déjà à entendre dans cette étymologie qu’il y a peut-être quelque chose à revoir en termes d’orientation de soi. C’est là un des bénéfices secondaires de notre mal de dos. » Car en nous alertant, la douleur va nous réveiller. Nous remettre à l’écoute des émotions qu’elle provoque, nous reconnecter avec nous-mêmes. Et nous inviter à réfléchir sur nous-même, tout simplement.
Est-ce que mon travail est en accord avec mes valeurs ? Suis-je vraiment moi-même dans mon couple ? Le mal de dos se révèle très souvent porteur de sens. A la condition toutefois que la personne qui souffre veuille bien entendre ce message, ce qui n’est pas toujours le cas. Soit parce qu’elle voit dans la douleur une juste punition pour le malaise qu’elle traverse (« mon travail n’est pas en accord avec mes valeurs, je mérite mes douleurs »), soit parce qu’elle est devenue plutôt fataliste (« c’est dans la tête, je ne peux rien y faire »).
Difficile de démontrer scientifiquement le lien entre souffrances psychiques et douleurs dorsales. Mais le lien entre mal de dos et stress, en revanche, a déjà été validé par une étude récente de l’université de l’Ohio. Elle montrait que des personnes soumises à un fort stress verbal utilisaient les mauvais muscles pour soulever un poids. Alors que celles qui arrivaient à « évacuer le stress » en protestant ouvertement contre ces attaques verbales, continuaient à utiliser les bons muscles.
Mais pour la coach, quoi qu’il en soit, le véritable message n’est pas toujours celui que l’on croit : « La douleur peut aussi devenir un formidable alibi. Par exemple, pour rester dans une dépendance aux médicaments ou aux soins. Pour ne pas vivre sa vie. Combien de fois ai-je entendu en thérapie : ‘j’ai mal là et c’est pour ça que je ne rencontre personne dans ma vie’. »
Notre mal de dos, ainsi, ne parlerait pas seulement de nous mais aussi de notre rapport à l’autre. « La douleur exprime parfois ce qu’on ne peut lui dire autrement, explique Delphine Debronde. Quelque chose de l’ordre de ‘Regarde comme je souffre’. Voire ‘Regarde comme je souffre avec toi’. » Dans un cas comme dans l’autre, la douleur psychique est réelle et c’est précisément là que le travail en thérapie peut se révéler positif pour la personne. « On le sait : le mal de dos peut vite déboucher sur une perte d’autonomie. Une perte d’élan, de désir. Donc une perte de vie. »
S’accorder le droit d’aller mieux
Mais quand la douleur est trop vive ou trop ancienne, il est souvent difficile pour la personne qui souffre de sortir d’une forme de fatalisme. De se convaincre de l’utilité d’une prise en charge physique et psychique quand elle a pris l’habitude de faire taire la douleur à grands renforts de comprimés. En résumé, de s’accorder le droit d’aller mieux.
Pourtant, pour la psychothérapeute : « Il est essentiel de se créer des espaces où l’on va pouvoir éprouver cette douleur et le sens qu’elle a pour nous. » Mais qui aller consulter, notamment quand la médecine dite « classique » n’a pu nous soulager ? La solution pour Delphine Debronde, « c’est d’aller, dès qu’il y a souffrance, à la rencontre d’un professionnel de santé (un kinésithérapeute, un ostéopathe) et d’un thérapeute plutôt orienté vers une approche psycho-corporelle. Car tous deux tiendront compte de la dimension psychique de la douleur. » Un travail d’équipe pour une prise en charge globale de la personne qui prend ici tout son sens. « Bien s’entourer, c’est déjà une action positive pour prendre soin de soi. Et c’est souvent la première marche importante à franchir pour des personnes qui ont besoin d’avoir mal pour arriver à dire des choses. Pour nous, thérapeutes, accueillir ces patients dans leur globalité est un signe fort qu’on leur envoie : c’est un moyen de ne pas les réduire à leurs symptômes. Car on n’est jamais que sa douleur ou sa maladie. »
Le travail sur la douleur
Le rôle de l’approche psycho-corporelle dans la prise en charge du mal de dos ? Elle va permettre d’accompagner la personne qui souffre à visiter autrement sa douleur. A s’appuyer sur son ressenti corporel – son mal de dos – pour faire émerger des émotions. « Par exemple, on peut inviter la personne à se mettre en position de confort, allongée. On lui laisse le temps de sentir ce qui se passe dans son dos. On peut lui proposer alors de faire venir mentalement une image associée à la douleur afin d’en faire émerger toute la symbolique d’abord. Puis les émotions qui lui sont liées, pour ensuite qu’elles finissent par faire sens. »
Car pour la thérapeute, notre dos se bloquerait précisément quand ces différents niveaux – nos émotions, nos sensations et notre capacité à réfléchir – se déconnectent. En les remettant en contact, le travail thérapeutique peut nous permettre de retrouver du sens dans ce que l’on vit. Et de nous retrouver vraiment, au plus près de celui ou celle que nous sommes réellement.
Elyane Vignau
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